"(...) Code inconnu confirme la mission que Haneke s’est confiée il y a longtemps : témoigner d’un état de la société occidentale qui ne fonctionnerait que sur l’indifférence autoprotectrice et la terreur diffuse, une vision hobbésienne qui a toujours singularisé l’auteur de Benny’s Video.
L’indifférence est donc le moteur principal de l’univers filmé, et Haneke en accumule les preuves : un adolescent humilie une vieille femme faisant la manche ; un reporter qui ramène des images de cadavres et de charniers du Kosovo déclare ne pas se sentir concerné par le soupçon que la petite fille de ses voisins est victime de mauvais traitements.
L’éradication de la barbarie dans nos sociétés est peut-être la barbarie suprême. L’Occident continue, comme le racontent les épisodes de la mendiante roumaine du début, expulsée vers son pays avant de revenir à Paris par une filière clandestine, de repousser tous ceux qui essaient d’en recueillir les miettes. La terreur est celle de l’Etat, de l’ordre patriarcal.(...)"

" (...) Code inconnu, toujours aussi brillamment pessimiste mais empreint d’un humanisme plus perceptible, est d’une autre trempe. Sous-titré Récit incomplet de plusieurs voyages, première réalisation en France du metteur en scène autrichien (...)
Indifférence, incommunicabilité, portes closes, visages fermés, codes inconnus, le film est porté, emporté par la présence magnifique de Juliette Binoche. Mal peignée, perdue dans un imperméable trop grand, elle court après ses rôles, elle court après sa vie. Lors d’un splendide plan-séquence, on la voit longuement repasser. Tache familière et sereine ; au loin, dans son immeuble, la voix déchirante d’un bébé qu’on maltraite. Elle continue de repasser... Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre...
Le film s’achève sur une scène certes métaphorique, mais profondément belle et émouvante, où Haneke, décidément presque tendre, retourne cet adage. Un orchestre de jeunes sourds tape sur des tambours. Leurs visages sont radieux, ce qu’ils perçoivent est plus important que ce qu’ils entendent, ils communiquent, eux, avec la beauté du monde, du moins ce qu’il en reste."

"Une bombe à retardement. Le film est un parcours à rebours, où quelques hommes et femmes sont confrontés à la menue violence quotidienne.
Altercations, explications, incompréhensions...Des enfants sourds-muets (auxquels feront écho d’assourdissants tam-tams), une mendiante réfugiée roumaine, une actrice, un reporter, un passant... ; les chemins se croisent au fil d’une mise en scène admirable de fluidité, mais tous ne se recoupent que sur de grandes interrogations générales. La solitude, la compassion, la responsabilité, le sentiment de culpabilité... Tous ces courants contraires, qui exercent une pression continue et souterraine, débordent parfois et laissent l'homme face à lui-même : désemparé devant sa propre énigme. Le code nous est inconnu. Et c’est nous, comme dédoublés, qui sommes derrière la porte. Le film s’achève. Nous laissant seuls avec l’explosion."