" C’est un fait intéressant que beaucoup de personnes ignorent : en Iran, les personnes désireuses de changer d’identité sexuelle ont le droit de se faire opérer et peuvent même obtenir des prêts pour leur opération. Mais il n’y a clairement pas de quoi sauter au plafond : comme le montre ce film, le cocon familial et la tradition ont vite fait d’empêcher ce droit et de transformer le quotidien des transsexuels en chemin de croix.
La grande qualité de ce long-métrage dont on devine qu’il a été produit avec peu de moyens est sa faculté à traiter avec la même tendresse et impartialité le portrait de deux personnages faussement contraires et joliment complémentaires.
Le titre français du film (Une femme iranienne / le titre international était Facing Mirrors) interroge habilement la notion de genre en Iran. Rana doit conduire son taxi dans la discrétion, car c’est « un travail d’hommes » (des clientes ne se gênent d’ailleurs pas lors d’une course qui dérape à l’inciter à rentrer faire sa lessive chez elle !), doit constamment rester prudente face aux commérages, marcher droit, veiller à sa bonne réputation. Elle incarne une femme iranienne « traditionnelle » et battante, foudroyée par un mauvais coup du sort. En opposition, Adineh désespère de ne pouvoir devenir Eddie, ce jeune homme né dans le mauvais corps et que son père ne peut se résoudre à voir. Petit à petit nait entre ces deux caractères opposés, ces deux personnalités différentes, une amitié sincère, une rencontre qui va changer leur vie à jamais.
Si la question de l’identité sexuelle et le combat d’un être né femme iranienne pour devenir physiquement un homme reste en arrière-plan, cette fiction sensible tend vers l’universel, célébrant avec pudeur la différence et la tolérance dans leur globalité. Rana et Eddie vont tout simplement aller au-delà de la confrontation, se raconter, se comprendre et s’entraider. Les deux actrices sont justes et rendent leurs personnages très attachants, la mise en scène est assez sage mais ne manque pas de faire voyager. Si on pourra préférer la première (plus subtile) à la deuxième partie (plus explicative mais touchant à des questions pertinentes comme lorsque Rana, complice et véritable soutien pour Eddie, finit par gifler son propre enfant parce qu’il se déguise en fille), le projet déborde d’humanité et d’émotions pures.
Difficile de ne pas tomber sous le charme de cette balade tour à tour cocasse, profonde, lumineuse, tendue. Armée d’un scénario aux qualités indéniables, la réalisatrice délivre un beau message avec une simplicité apte, on l’espère, à toucher le plus grand nombre."