Liste de lecture dePhilippe Garrel
0 filmAlessandro, paranoïaque et épileptique, compte parmi les enfants d'une famille nombreuse que les tares congénitales n'ont pas épargnée. Il nourrit pour son frère Augusto une admiration sans bornes et pour sa soeur Giulia un amour coupable. Entre deux crises, il se décide à combattre l'oppression qui pèse sur la famille. Sa première cible est sa mère, aveugle et despotique. # Le premier long-métrage de l'auteur du "Saut dans le vide" et "Vincere", maintenant disponible dans sa version restaurée en 2016 par par la Cinémathèque de Bologne et supervisée par le réalisateur.
Premier rôle : Lou Castel
Premier rôle : Paola Pitagora
Premier rôle : Marino Masé
Premier rôle : Liliana Gerace
Second rôle : Pier Luigi Troglio
Second rôle : Irene Agnelli
Second rôle : Jeannie McNeil
Second rôle : Stefania Troglio
Réalisation : Marco Bellocchio
Scénario : Marco Bellocchio
Producteur : Enzo Doria
Directeur de la photo : Alberto Marrama
Montage : Silvano Agosti
Montage : Anita Cacciolati
Son : Vittorio De Sisti
Musique originale : Ennio Morricone
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Noir et blanc
- Langue : Italien
- Date de production : 1965
- Pays de production : Italie
- Titre original : I Pugni in Tasca
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Critiques (5)
- Le Monde - Isabelle Regnier: Les Poings dans les poches" Au fil d'une succession grinçante de scènes de la vie quotidienne, les relations familiales se dessinent dans une atmosphère de claustrophobie de plus en plus oppressante. Le malaise qui finit par suinter de tous les pores de la demeure, l'âpreté avec laquelle le cinéaste dépeint cette cellule familiale sont renforcés par une science du faux raccord qui donne à la mise en scène, par ailleurs léchée et maîtrisée, un aspect rugueux, nerveux, quasi malade."
- L'Express - 2/08/1966: Les Poings dans les poches" Une famille renfermée sur elle-même, où fermentent les maladies héréditaires, les amours coupables, les haines hypocrites : une mère aveugle, littéralement et symboliquement ; une déliquescence fin de race, sombrant dans l’épilepsie et l’idiotie congénitale ; un jeune homme amoureux de sa sœur, assassinant sa mère et son frère : tels sont le cadre, le climat, le fil dramatique de ces « Poings dans les poches ».
Mais traduit en phrases, le film est trahi. Le symbolisme primaire et le carnaval morbide, que peut faire légitimement redouter ce trop bref résumé, sont effacés par la tragique grandeur de ce conflit, la passion violente et poétique du réalisateur. De ce nouveau traité de bave et de mort, ce n’est point l’horreur qui se dégage, mais la poésie.
De toutes les manières de crier, après Gide, la fameux « Familles, je vous hais », Marco Bellocchio a choisi la plus frénétique, la plus exaltée. C’était prendre des risques énormes, pour un premier film, à 25 ans. Mais chez Bellocchio, maturité artistique et maturité psychologique vont de pair. De la révolte incertaine, passionnelle, anarchique des adolescences, Godard fournit le procès verbal, et Bellocchio le grand opéra.
On crie, on hurle, on tue, on trépigne, on meurt, dans les « Poings dans les poches », au rythme d’une partition sauvage et déchirante. Mais, par–delà les paroxysmes des personnages, c’est la voix ardente et solitaire de l’auteur qui s’élève, tremblante, parfois, d’émotion contenue.
- Image et son - Guy Gauthier, Juin 1966: Les Poings dans les poches" ... Le portrait des 5 personnages se construit peu à peu par la simple observation de leur comportement. L’exemple de Sandro est caractéristique : la scène avec le jeune garçon nous livre déjà les aspects essentiels de sa personnalité : voyeur (indirectement puisqu’il fait observer sa sœur par l’élève), simulateur, lâche (il modifie les notes, mais fait disparaître les traces de sa falsification). Puis peu à peu, le trait est de plus en plus fouillé, et comme il arrive souvent, le personnage devient plus énigmatique au fur et à mesure que nous le connaissons mieux. Cette description par le comportement n’est certes pas une découverte de Bellochio, mais elle acquiert une vigueur assez rare grâce au jeu des acteurs (...) Chaque geste, chaque expression est (...) mis en relief par un regard clinique, un refus évident de l'effet (...) avec une rare virtuosité (...) car si Bellocchio est implacable dans sa mise en évidence des détails infimes qui révèlent un individu, il évite les instants de paroxysme, pratique avec bonheur l’ellipse (...), la métonymie (la crise d’épilepsie de Léone révélée par le tapis qui glisse de la table, la mort du même Leone suggérée par le simple mouvement des jambes dans l’eau du bain) et utilise subtilement les symboles psychanalytiques.En raison du thème et de l’histoire, toute autre attitude nous aurait évidemment laissé quelque incertitude quant au propos de Bellocchio. Trop de complaisance dans le récit de cette extermination de sa propre famille par un épileptique aurait laissé subsister quelque malaise. Mais il apparaît vite que Bellochio n’est guère préoccupé par la description d’un état mental. Comme tant d’autres, le jeune réalisateur italien semble bien n’avoir retenu un cas pathologique que pour mieux aborder les situations dites normales.
En face des œuvres présentant un univers clos, on est vite tenté d’y trouver quelque portée allégorique. Lénine disait de Salle 6 que c’était un portrait saisissant de la Russie staliniste, ce qui peut être vrai sans pour autant être voulu par Tchékhov. De la même manière (...) dans Les Poings dans les poches (...) le spectateur peut à son gré — ou suivant ses tendances profondes — y voir un cas isolé et extrême, ou la mise en cause d'une certaine morale de l'Italie d’aujourd’hui. Si l’on en croit les multiples déclarations de Bellocchio c’est la deuxième interprétation qui est conforme à ses intentions. Essayons donc de la poursuivre. Cette mère aveugle, douce et insignifiante, poussée dans le ravin par son fiils, c’est, il n’y a pas à s’y méprendre, le symbole de la « mamirna » cette envahissante institution italienne à l’autorité abusive, qui régente d’une façon tyrannique la vie des Italiens (...) Ce que Bellocchio pousse au fond du ravin, je ne sais pas si c’est, fictivement, sa propre mère (c’est aux psychanalystes de le dire, et iis n’y manqueront sans doute pas), mais c’est à coup sûr la vivante statue de ce culte abusif. D'ailleurs à partir de là, la fureur iconoclaste de Sandro se déchaîne. Il saute par dessus le cercueil, y pose ses pieds, réduisant à néant (par une sorte de danse magique) le dérisoire cérémonial des funérailles, et le discours verbeux du prêtre. C’est, plus discrètement, la religion, autre institution envahissante, qui est égratignée au passage..."
- Les Inrockuptibles - Amélie Dubois: Les Poings dans les poches" Par quel visage, quel paysage, quel écart de conduite commencer pour évoquer le premier film, à couper le souffle, de Marco Bellocchio ? Ses plans, hyperréactifs, fulgurants et aussi incontrôlables que les personnages, obéissent à une effervescence folle. Y retentit le battement lourd et solennel de la cloche d’un petit village italien des années 60, métronome religieux implacable qui ordonne les temps amoureux et contrarie les élans sexuels. Y percent des rires malades, des crissements de pneus menaçants et des cris de démence qui finiront par se confondre avec le point d’acmé d’un air d’opéra (il y a du Vincere en germe).
Le tout est magnifié par un noir et blanc discrètement graphique, une lumière hivernale lucide, qui rappellent les photos de Giacomelli. Dans ce foisonnement brutal et éblouissant, une image qui en dit long : les traits de la belle Giulia, unique fille d’une famille comptant trois garçons, qui se reflètent, déformés, dans la vitre protégeant le portrait d’un ancêtre (...) Bellocchio excelle à créer des zones de flottement pour en faire des terrains glissants, amorcer des saillies mortelles.
On doit en grande partie ce sens du dérapage au montage, virtuose, propice à créer des formes accidentées et lyriques, des ruptures et accélérations de mouvement permanentes. Se dégagent de tout cela une cruauté cinglante et une beauté presque innocente, portées par l’interprétation impressionnante de Lou Castel (dont c’est le premier grand rôle au cinéma), qui prête ses traits d’enfant boudeur au personnage d’Alessandro, épileptique révolté et incestueux aux sombres desseins.
Il est troublant de voir à quel point l’écriture et l’univers du cinéaste italien sont déjà bien affirmés, révélateurs d’un esprit critique aiguisé envers son pays, la famille et la religion, et d’une esthétique vive, contemporaine, parfaitement à l’écoute de son sujet."
- Télérama - Aurélien Ferenczi: Les Poings dans les poches" Le film est sidérant de maîtrise, noir et blanc ultra-léché, écran large, et, très vite, c'est clair, une absence totale de solution. (...)
On pourra toujours dire que la famille est le microcosme de la nation, mais Vincere prend un autre éclairage à la lueur de cet opus originel : absence du père, folie qui rôde (le fou est souvent celui qui détient la vérité, chez Bellocchio), famille en crise : ce seront bien les thèmes majeurs du cinéaste, fascisme ou non."
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- Liste de lecture deNanni Moretti0 film
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vos avis (5)
Tout voir- Bettina30 mars 2024
- Karine14 janvier 2022Chef-d'oeuvre !
- Christiane19 septembre 2021Magnifique peinture de la folie.
- Bastien26 mars 2021
- Jean Luc12 juillet 2020Vu en février 2000, ce bon film révéla Marco Bellocchio en FRANCE.