Après les attaques de Charlie Hebdo en janvier 2015, Raymond Depardon a décidé de donner la parole au Français. Pendant trois mois, il a sillonné l'Hexagone, du nord au sud, à l'ouest et en finissant son périple en banlieue parisienne. Dans les villes où il s'est arrêté, il a installé une vieille caravane et invité des personnes rencontrées par hasard à y monter pour y discuter. Un vieil homme se plaint de solitude, un autre de l'éclatement de sa famille. Un jeune homme a du mal à envisager l'avenir, tandis que deux amies se plaignent de l'inconstance des hommes. Une trentenaire tente d'oublier un mariage raté en espérant que son nouvel ami va s'impliquer...
Réalisation : Raymond Depardon
Producteur : Claudine Nougaret
Directeur de la photo : Raymond Depardon
Montage : Pauline Gaillard
Son : Claudine Nougaret
Musique originale : Alexandre Desplat
Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Date de sortie en salles : 27 avril 2016
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Français
- Date de production : 2016
- Pays de production : France
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Critiques (5)
- L'Express - Thomas Baurez: Les HabitantsLes Habitants, un film sidérant de simplicité
Un drôle de film où Depardon révèle la France à elle-même. Coup de coeur.
Une caravane blanche à l'ancienne file sur les routes. Puis, la voix reconnaissable entre mille de Raymond Depardon explique le concept de son film. Le cinéaste-photographe a sillonné la France du Nord au Sud, d'Est en Ouest. Il s'est arrêté avec son attelage dans des centres-villes, sur des places de villages, a demandé à des quidams pris au hasard de poursuivre leurs conversations dans sa caravane. Comme si de rien n'était. Sauf que tout y est, justement, à commencer par l'objectif de la caméra, qui fixe ces morceaux de conversations. (...)
Cette fausse intimité n'empêche pas, bien sûr, la vérité des échanges. L'artifice fait partie du projet. Depardon a toujours placé sa caméra dans des endroits cloisonnés et réussi à faire oublier sa présence avec l'intelligence et la discrétion de l'immense photographe. Les témoignages sont surtout issus de cette France dite d'en bas: prolos, chômeurs, retraités qui tentent de joindre les deux bouts, élever leurs bambins ou réussir une histoire d'amour. Les habitants est un drôle de film, sidérant de simplicité, qui propose une manière inédite et intelligente de restituer une parole. - Télérama - Bruno Icher: Les HabitantsAu terme de la projection du film, la première question qui peut venir à l'esprit est : pourquoi eux ? Eux, ceux qui peuplent l'écran de ce « road documentaire », et pas les autres, qui ont été coupés au montage ? Eux, ce sont les habitants du titre, individus croisés sur le périple que Raymond Depardon s'est imposé pendant des mois sur les routes de France, une vieille caravane de camping arrimée à sa voiture. A intervalles réguliers, il arrêtait son équipage, plaçait la caravane de sorte que la fenêtre arrière forme un cadre au milieu duquel s'installaient deux passants, croisés dans la rue, ayant accepté de se laisser filmer...
Et donc, ils parlent de leur vie, de leur ville, des hommes, des femmes, de l'amour, de leurs désirs, de leurs frustrations ou de leurs peurs. Parfois l'échange reste futile et convenu (deux ados gonflés à bloc de testostérone parlent de « meufs »), parfois il verse dans une intimité douloureuse (une mère et son fils s'affrontent sur fond de drogue) ou dans une involontaire drôlerie (un couple que tout oppose). Tous, en tout cas, s'abandonnent volontiers à l'exercice, oubliant la caméra ou ne lui accordant pas la moindre importance.
Dans un premier temps, et même si le contexte des conversations reste dans un certain flou, les codes vestimentaires, les accents, le vocabulaire employé se chargent de sens au moins autant que le contenu des discours. Dans Les Habitants, l'important n'est pas forcément ce qui est montré, mais l'effet que ces images produisent sur le spectateur, aux prises avec sa propre imagination pour se figurer la vie de ces inconnus croisés quelques minutes. Et le dispositif lui impose d'aller au-delà des idées reçues et des jugements à l'emporte-pièce.
Quelles souffrances sont à l'oeuvre entre ces amies qui se chamaillent à propos de la relation amoureuse chaotique de l'une d'elles ? Les deux hommes aux propos affreusement sexistes ont-ils d'autres sujets de conversation que leur libido respective ? Les femmes qui évoquent avec nostalgie ce qu'était leur quartier sont-elles foncièrement racistes ou simplement tristes de leur sort ? Le film apporte le luxe suprême du doute à cet instantané d'un pays que tout le monde prétend comprendre, mais que peu de gens écoutent vraiment. Alors, pourquoi eux ? Sans doute parce que eux, c'est nous. - L'Humanité - Magali Jauffret: Les HabitantsUn ovni. Des façons de parler, des accents, la puissante musique du grand Alexandre Desplat. 26 duos laissent filmer par Depardon, en 35 mm, leurs confidences du moment, dans le huis clos d’une modeste caravane. C’est fort, juste, féministe, insoutenable et rigolo. Ça crie fort ou doux. C’est la galère des invisibles. Et si ces confessions intimes étaient plus politiques qu’il n’y paraît ?
- Les Inrockuptibles - Serge Kaganski: Les HabitantsLe portrait en coupe des Français dans leur diversité, captés dans un dispositif rigoureux mais vivant.
Après son travail photographique sur la France “oubliée” et son Journal de France signé avec Claudine Nougaret, Raymond Depardon poursuit son œuvre de photographe-cinéaste-archéologue-spéléologue dans les profondeurs et recoins de notre Hexagone. Après s’être intéressé aux vestiges visuels habillant le pays ces dernières décennies (devantures, enseignes…), Depardon a décidé d’incarner ces paysages en filmant leurs habitants.
Le principe consiste à choisir deux personnes au hasard des villes et à les inviter à poursuivre leur conversation dans une caravane et devant une caméra – dispositif éminemment depardonien donnant lieu à une série de plans-séquences fixes où apparaissent les deux interlocuteurs de profil (dedans) et la vitre arrière de la caravane, cadre dans le cadre laissant apparaître la vie qui suit son cours. Voilà pour l’aspect théorique et formaliste du film dont l’autre pari était fondé sur l’incarnation : comment allaient se comporter les gens une fois placés dans le cocon inhabituel du petit studio ambulant improvisé-bricolé par Depardon ? Seraient-ils intimidés, muets ? Ou au contraire expansifs, surjouant leur personnage ?
Etonnamment, ni l’un ni l’autre. Qu’ils soient jeunes, vieux, bourgeois, prolos, père-fils, mère-fils, potes, amoureux ou copines, les “couples” qui défilent semblent tous converser naturellement, poursuivre leur discussion du jour, comme oublieux de la caméra et de l’artifice du dispositif. Cette alliance d’un concept simple et du réalisme le plus brut est typique de l’œuvre du cinéaste. Ajoutons ici une vue en coupe de la France qui travaille, qui chôme, qui galère, qui se débat dans ses problèmes quotidiens qu’ils soient d’ordre affectif, familial ou professionnel. A l’heure où tout le monde parle du “peuple”, Raymond Depardon l’écoute et l’observe en s’effaçant, recueille ses paroles et ses pensées pour en faire un beau sujet de cinéma. - L'Obs - Pascal Mérigeau: Les HabitantsLe spectacle est alors à l’intérieur : des clowns parfois, mais sans nez rouge et qui ne savent pas forcément qu’ils sont drôles, des jongleurs qui lancent les mots en l’air sans attendre qu’ils retombent, des fauves qui ne font peur à personne, mais nul Monsieur Loyal. Ou bien alors, tapi derrière sa caméra, et qui ne dit rien. Ce sont les gens qui parlent, en tête-à-tête, ces mêmes gens auxquels la télévision demande sans cesse leur avis sur tout et sur rien, que personne n’écoute et que là on entend. Aucune question ne leur est posée, ils parlent de ce qu’ils veulent, ils disent ce qu’ils ont envie de se dire, que peut-être ils ne diraient pas si la caméra n’était pas là, ou qu’ils diraient autrement, enfin on ne sait pas. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que leur parole est libre, qu’ils évoquent leurs problèmes de boulot, leurs histoires d’amour, leurs relations avec leurs proches, ou qu’ils théorisent à propos de religion.
Ils sont père et fils, ou frère et sœur, ou amants, ou copines, ou jeune couple en attente de son premier enfant, leur attitude en cours de dialogue exprime autant que les mots qu’ils prononcent, dont certains amusent, parce que délicieusement décalés. A sa grande copine qu’elle veut convaincre de larguer son amant insupportable, une jeune femme conseille énergiquement : "Passe outre, bébé, passe outre !" Une gamine débusque les différences entre les religions catholique et musulmane (en gros, le pape peut décider de changer les règles du jeu, alors que le Coran, lui, est immuable), un loustic joue les gros bras, un retraité en console un autre, qui déplore de ne guère voir ses enfants. Les mots courent, la vie coule, c’est un tableau de la France d’aujourd’hui que, sans le vouloir, sans même y penser, tous ces gens dessinent, et on ne voit pas le temps qui passe. C’est bien simple, le film dure une heure vingt-cinq et ce n’est pas assez, on en reprendrait bien encore quelques heures.
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Tout voirvos avis (9)
Tout voir- Angélique20 juin 2021
- EMMANUELLE05 mai 2021
- Julietta02 janvier 2019Excellente idée de départ mais ça ne suit pas... La prise de vue est distante, les enchaînements sont redondants, le documentaire en devient monotone. Dommage !
- ELYSEE11 juin 2018Concept particulièrement intéressant . En revanche à la fin du documentaire, une question se pose: est-ce une caricature des français ou un portrait fidèle - et donc dérangeant - des habitants de ce pays ?
- 30 mars 2018
- ARTHUR20 novembre 2017pas bien
- Laurent28 octobre 2017Depardon toujours aussi subtil dans sa vision cinématographique. Des portraits sur le vif, comme s'il n'y avait pas de caméra. Mais un triste constat, je trouve, sur ces habitants ordinaires.
- Maxence12 octobre 2017
- Olivier07 juin 2017