28 FÉVRIER 2011

Eric Rochant : "Se mettre au service d'une intuition poétique débridée..."

Comment naît réellement une idée ? Le réalisateur fait l'inventaire de ses inspirations pour filmer "Anna Oz"...

Comment naît réellement une idée ? Il est aussi difficile de le dire que de décrire un rêve. C'est la juxtaposition déréglée d'éléments hétéroclites. Ça ressemble à un poème de Jacques Prévert. Une certaine logique relie probablement tous ces éléments, une logique inconnue, mystérieuse, qui ne livrera jamais tous ses secrets. Une nouvelle de Cortazar, une nouvelle de Borges, la musique d'Eddie Palmieri, le visage de Charlotte Gainsbourg, la lecture de Jacques Lacan, un voyage à Venise étant enfant, un abominable cauchemar il y a quelques années, mettez le tout dans une voiture à Paris un jour de printemps et l'esprit s'illumine d'une certitude : le désir d'écrire Anna Oz.

C'était une parole donnée, je ne sais pourquoi j'avais à y obéir. C'était un destin, que la rencontre avec Gérard Brach, amorcée du temps des Patriotes, devait renforcer.

Dans Un monde sans pitié, Hippo disait : "Je déteste la poésie". Je parlais à travers lui. C'était à l'époque une profession de foi, plus probablement une dénégation. Et puis tout s'est imposé peu à peu. J'étais en état d'accueillir du nouveau, quelque chose d'étranger et d'étrange. J'acceptais, je désirais mettre ma mise en scène au service d'une autre écriture, je ressentais les limites de la mienne. Moi, le rationnel invétéré, j'étais confronté à l'intuition poétique, débridée de Gérard Brach. J'avais trouvé mon complément. Mon maître presque. Alors je me suis incliné et j'ai décidé d'aimer ce destin.

Le film est sûrement à l'image de sa genèse. J'ai travaillé sur les correspondances, sur les paradoxes. Je voulais m'adresser à l'intuition plus qu'à la raison. Provoquer le malaise et l'émoi que l'on ressent au moment de plonger dans un monde inconnu.

Avec la délicieuse possibilité de s'y laisser perdre.

Eric Rochant